法国总统马克龙西安大明宫演讲法语原版

Merci beaucoup, Monsieur le Vice-président de l’Assemblée nationale populaire de Chine. Monsieur le Vice-gouverneur, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les ministres et les parlementaires, Monsieur le Président.
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Je suis très heureux aujourd’hui d’avoir l’opportunité de m’exprimer devant vous après cette matinée passée à vos côtés dans cette magnifique ville de Xian. Depuis longtemps, la Nation française s’est contemplée au miroir de la Chine, en elle se sont agrégées au fil des siècles la pensée, la poésie, l’art, mais aussi une réflexion sur la guerre, le pouvoir, la vie humaine et tout un imaginaire d’aventures et de voyages autour de marchandises extraordinaires et de découvertes singulières.

C’est la Chine des marchands, découvrant avec Marco Polo, et à sa suite les usages et les trésors d’une civilisation méconnue et mystérieuse, empruntant ces routes de la soie, auxquelles vous donnez aujourd’hui une signification et une grammaire nouvelles. Il faut imaginer les caravanes arrivant dans l’oasis de Dunhuang, trésor de votre civilisation, au milieu des montages de sables qui résonnent.

Dans le lot de denrées, de marchandises, se chargeaient, comme Marguerite YOURCENAR le fait dire à Adrien, un certain nombre de pensées, de mots ou de coutumes, qui peu à peu s’empareraient du globe plus sûrement que les légions en marche. Ils rapportaient de leurs pérégrinations des objets et des matières inconnues, dont aussitôt la France et d’autres pays européens raffolèrent, non pas pendant le temps éphémère d’une mode, mais avec l’intensité d’une découverte venant s’inscrire dans notre patrimoine propre. Il n’est guère de château royal qui ne comporte son salon chinois, guère d’artistes, d’artisans, d’ingénieurs qui ne se soient trouvés fascinés par les styles et les techniques venus de Chine.

Cela perdure encore aujourd’hui, car la Chine est ce pays d’inventeurs et d’ingénieurs qui sans cesse inventent l’avenir. Cette Chine des marchands, c’est aussi celle des diasporas, qui, à travers le monde, ont progressivement transformé les villes, et dont la France s’honore, qui a la première diaspora chinoise d’Europe. C’est la Chine des guerriers, dont je viens de voir dans la nécropole les statues de terre cuite alignées, nourries de symboles et de respect pour la figure du soldat chinois, une figure autour de laquelle se construit l’art chinois de la guerre, porté à son sommet par Sun TZU, connu des Européens depuis le 18ème siècle, et où vont encore puiser les élèves de nos écoles militaires.

Nous partageons ce même respect du soldat, ces honneurs dus aux militaires et à ceux qui tombent pour leur patrie ou dans un juste combat, je rends hommage ici à tous vos compatriotes, inhumés au cimetière de Nolette, dans cette terre de Somme qui m’est chère ou dans d’autres lieux. Ce n’était pas simplement des soldats, mais pour la plupart d’entre eux, ce n’était pas des soldats du tout, mais des travailleurs chinois, venus soutenir l’effort de la France pendant la première guerre mondiale.

Ils furent plusieurs milliers affectés à des tâches arides dans les mines, les tranchées, les usines, auprès des soldats, des malades, du peuple français. Certains sont restés fonder une famille, d’autres sont repartis, et beaucoup aujourd’hui reposent sur notre sol. A quelques mois de la commémoration de la fin de ce conflit mondial, je veux que nous nous souvenions d’eux, qui furent nos frères dans ces heures tragiques. C’est aussi la Chine des écrivains et des penseurs, celle que voici presque 450 ans découvrit la première mission jésuite.
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Celle que depuis nous ne cessons, nous, Français, de scruter et d’interroger, c’est que depuis le début, nous percevons dans la manière de penser chinoise une vision du monde, ancrée dans d’autres croyances, d’autres concepts que les nôtres. Et cependant, dans cette différence même, nous trouvons depuis plus de 200 ans de quoi remettre en cause nos propres croyances, mais aussi de quoi croire en une communauté humaine, car bien souvent, cette différence est convergence, ce sont nos poètes qui l’ont le mieux sentie. Ainsi votre poète Wang Bo selon lequel quelqu’un qui vous comprend même au bout du monde, est comme un voisin ou Victor-Segalen, venu chercher en Chine les briques et les tuiles de sa poésie et découvrant ici-même, à Xian, l’odeur fade et riche des siècles enfouis.

Ainsi, Paul Claudel tirant ses vers d’une traduction minutieuse, personnelle profonde du livre de Jade. Ainsi, Saint-John Perse, écrivant « Anabase », d’après des poèmes chinois, et je surprendrais sans doute nombre de Français en rappelant ici que le rouge et le Noir de Stendhal, dont un exemplaire ne quitte jamais mon bureau, a connu chez vous à Caen plus de 20 traductions depuis 1947. Et que depuis de longues années, vous comptez des traducteurs de très haut niveau, qui inlassablement, traduisent, interrogent, publient notre littérature. Et nous avons vu il y a quelques instants des religions qui nous sont familières, revisitées par ce dialogue permanent et ce syncrétisme dont la Chine a le secret. Rien ne remplace ce contact fécond entre nos deux langues, nos deux univers, nos cultures, preuve constamment apportée que le dialogue est possible, et surtout qu’aucune de nos cultures n’est un bloc. Il y a plusieurs théories sur la Chine.

Et lorsqu’on vient d’Europe et qu’on cherche à comprendre, et se frayer un chemin, il y a ceux qui vous disent : c’est un continent incompréhensible, en Chine, on ne rentre jamais, c’est bloc contre bloc, et on fait semblant de se frayer des passages les uns et les autres feignent en quelque sorte de se comprendre. Je ne crois pas, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, à cette théorie. Il y a des intraduisibles, il y a des gouffres qu’il nous faut parfois réduire, mais il y a toujours des voies et des chemins, fruits de ce dialogue, il y a toujours les périphrases que nous devons trouver, pour progressivement circonscrire ces intraduisibles et trouver les chemins qui nous lient, parce que la culture chinoise comme la culture française, doivent s’appréhender dans toutes les nuances de leur évolution historique, de leur sensibilité intellectuelle, esthétique, politique, géographique, et parce que c’est notre histoire même, c’est ce que démontre notre admirable école de Sinologie, de CHAVANNES à VANDERMEEERSCH, de Marcel GRANET à François JULLIEN, de Henri MASPERO, à Anne CHENG, en passant par tant d’autres décrypteurs de toutes les complexités de la pensée chinoise.

La sinologie en Europe est née en France. Les philosophes et les historiens du 19ème siècle se réfèrent à chaque fois à des Français pour essayer de comprendre la Chine. Et nous avons dans ce dialogue toujours fructueux, et qu’il faut aborder avec humilité, une relation très particulière : celle d’avoir toujours eu en quelque sorte l’exclusive de ce point de passage, lorsqu’un Européen, pendant des décennies, a voulu comprendre la Chine, il est passé par un sinologue français, et bien souvent, lorsque les Chinois voulaient passer vers l’Europe, pour la comprendre intimement, ils passaient par cette même France.

La sinologie européenne continue à se réinventer aujourd’hui en France, demeure une discipline maîtresse de notre paysage intellectuel et l’Inalco en est depuis plus de deux siècles le cœur battant. Aussi, il nous faut des détours, de l’humilité, l’intimité profonde d’un dialogue parfois long, mais toujours parce qu’il y a ce respect, cette fascination réciproque, cette curiosité amicale, il y a un chemin de passage. Notre histoire montre que nous nous sommes toujours enrichis de nos différences, mais que par l’œil, par l’oreille, par le verbe, nous avons toujours trouvé la voie d’un échange. Nous trouvons beau ce que vous trouvez beau. Ainsi de ce palais impérial de Damingong, berceau de la dynastie des Tang et de tant de hauts lieux de votre art, de votre histoire, que la France depuis 2016 s’est engagée à préserver et à restaurer à vos côtés.

Cet attachement commun aux lieux, à ce qu’ils racontent, à ce qu’ils disent de vous n’est pas anodin, car cela démontre que nous partageons plus profondément un sens commun de l’histoire du monde et de ses peuples. Et là-dessus, par-delà les routes sinueuses des événements, nous fondons une grande amitié. Le général de Gaulle ne s’y est pas trompé lorsqu’en 1964, décidant de reconnaître la République populaire de Chine, il parle, je le site, du choix de la raison, mais il parlait aussi, un peu plus loin dans son discours, du choix de l’évidence, et c’est cette évidence aujourd’hui qui encore et toujours nous frappe, l’évidence d’une relation séculaire, l’évidence d’un souci conjoint d’appréhender le monde dans sa complexité, l’évidence d’un avenir partagé devant des enjeux aujourd’hui communs.

L’évidence enfin que nous ne sommes pas seulement deux nations, nous sommes deux civilisations, c’est-à-dire deux peuples qui depuis des siècles mettent en œuvre, dans tous les domaines, une certaine conception de l’homme. L’humanité aujourd’hui est tout entière à un carrefour, son avenir est engagé. De l’évidence de notre relation, nous devons tirer l’évidence d’un destin commun. C’est cela ce que je suis venu vous dire aujourd’hui. Et ce destin fait de causes, de combats, d’intérêts partagés s’articule autour de trois notions centrales, l’intelligence, la justice et l’équilibre. L’intelligence d’abord, c’est cette volonté de déchiffrer le monde pour en faire naître le meilleur.

Ma conviction est que, l’entente entre l’Europe, la France et la Chine, autour de principes et de projets définis en commun, peut, si nous savons nous y engager, être cette rencontre des intelligences au service du meilleur. Je suis venu, comme on le dit en Chine, vous proposer de lancer une brique pour obtenir du jade. Le monde a besoin de cette intelligence partagée pour enrayer la marche accélérée de toutes les formes d’obscurantisme, le terrorisme islamiste qui s’alimente partout des crises, de la fragilité des Etats, de l’instabilité, le nationalisme aveugle qui recherche pour elle-même la confrontation brutale et mène toujours à la guerre, le repli sur soi, nourri de l’illusion de se protéger du monde, le somnambulisme parfois aussi face aux conséquences du dérèglement climatique, qui remet en cause la possibilité même de la vie sur terre.

Face à tous ces défis, de nature diverse, c’est la même question qui nous est posée, celle de savoir comment ensemble faire triompher l’intelligence face à ceux qui font le pari du repli, de l’obscur, de la renonciation. La Chine et la France ont à cet égard une responsabilité immense face à tous les conflits ou toutes les tentatives de conflit, face aux oublis ou aux irresponsabilités. Le monde a besoin de cette intelligence partagée pour surmonter les peurs à l’origine de ces fléaux, et ces peurs existent, et elles sont parfois réciproques, ces peurs existent en Europe vis-à-vis de la Chine, il serait absurde de les nier, il faut les regarder en face.

Vous avez su, en une génération, trouver en vous la force de devenir l’une des toutes premières puissances au monde, et vous vous donnez maintenant l’ambition d’entrer en eaux profondes. Si le monde n’a pas tremblé, il en est profondément changé. Précisément, la rapidité de ce changement peut susciter des craintes, parce que tout ici est plus massif, plus fulgurant, plus assertif qu’ailleurs. Le seul moyen de surmonter ces craintes est le travail de compréhension sur ce que signifie pour chacun d’entre nous la puissance.

L’intelligence est et sera dans le monde de demain son véritable levier, la Chine l’a compris, puisqu’ici, vous formez 37 millions d’étudiants dans les universités, ainsi que les futures générations des pays en développement. La Chine fait rayonner sa culture par le réseau des Instituts Confucius, elle bénéficie d’artistes contemporains, exprimant les rêves et les tensions profondes de la société chinoise et dont le talent étonne le monde entier, elle investit massivement dans les nouvelles technologies, le numérique et l’intelligence artificielle. Mais la France l’a elle aussi compris.

Nous sommes bien connus ici pour notre art de vivre, notre patrimoine, notre gastronomie, notre romantisme, comme vous le dites en Chine, et tout ça, nous le revendiquons résolument. Mais la France, ça n’est pas simplement cela. C’est aussi une puissance du numérique, de la transition énergétique, de la recherche, de la formation, de l’innovation, de l’industrie du futur, une grande place financière, une culture vivante et rayonnante, qui a beaucoup à apporter au monde, et les transformations que nous sommes aujourd’hui en train d’opérer, c’est cette conscience à l’œuvre que la France est et sera au cœur de l’Europe.

Ce que nous sommes en train, aujourd’hui en France, de mener, ce sont les transformations profondes qui permettront par la réforme de l’éducation, de l’enseignement supérieur, des différents secteurs de l’économie, de permettre à l’intelligence française de pleinement rayonner et construire ce dialogue avec vous. Au lieu de partir à la conquête du monde par l’intelligence chacun de notre côté, nous serons plus forts si nous savons le faire ensemble. D’abord, en multipliant les projets culturels comme celui de l’exposition du musée Guimet sur les trésors de la dynastie des HAN, les Rencontres d’Arles à Xiamen, le Centre Pompidou à Shanghai, je souhaite que nous élaborions dès maintenant plusieurs grands projets culturels communs, consacrés à la Chine d’hier et d’aujourd’hui, consacrés à l’histoire et l’actualité des routes de la soie, qui pourraient voir le jour à Paris l’année prochaine et jusqu’en 2021.

Je souhaite ensuite que nous puissions accélérer nos échanges universitaires et scientifiques en donnant un élan nouveau à la sinologie européenne par un grand institut européen conjoint, fédérant les compétences et les recherches, mais aussi en fondant de nouveaux partenariats dans l’innovation, le numérique et les technologies. Le partenariat académique et scientifique doit être au cœur de ce cadre commun, de ce partenariat stratégique que nous voulons nouer. D’abord, en construisant des liens profonds qui permettront la formation à l’entreprenariat, dont je sais combien elle est aujourd’hui critique, non seulement en Chine, mais sur l’ensemble des initiatives conduites le long des nouvelles routes de la soie.

Ensuite, en développant un grand partenariat dans le numérique, pour combler les besoins technologiques. Dans ce domaine, il n’y a pas d’innovation sans des individus créatifs, nombreux, une innovation libre, et je souhaite qu’en la matière, nous puissions renforcer nos coopérations, j’aurai l’occasion demain de le redire à Pékin, tout particulièrement sur l’intelligence artificielle. Il y a de nombreux domaines sur lesquels nous avons beaucoup à faire, mais celui-ci est un domaine où l’excellence que nous avons dans nos universités, nos centres de recherche, chez nos entrepreneurs, peut conduire à des réussites commune si nous savons définir des programmes de recherche ensemble, le partage des données, les indispensables échanges qui permettront d’aller plus loin.

Ce partenariat, c’est aussi celui que nous devons nouer pour permettre davantage d’innovation en matière de transition énergétique, pour réduire la consommation d’énergie, pour développer et accélérer la production d’énergie renouvelable, pour transformer les technologies en matière de batteries, c’est aussi le partenariat que nous voulons nouer, en matière d’innovation, médicale, tout particulièrement liée à la Silver Economy, c’est enfin le partenariat que nous souhaitons nouer en matière d’innovation agricole et agroalimentaire, nous avons dans nos deux pays des défis fondamentaux à relever en la matière, la volonté de construire notre souveraineté alimentaire, de nous ouvrir mutuellement, la recherche doit faire partie de ce défi qui nous est ouvert.

C’est enfin, en encourageant l’apprentissage des langues, dès le plus jeune âge, car je veux le dire aux étudiants francophones présents dans cette salle, vous avez fait le bon choix. Le français est un atout pour l’avenir, c’est aujourd’hui la cinquième langue la plus parlée au monde, la quatrième langue d’Internet, la troisième langue des affaires, la deuxième langue la plus apprise dans le monde qui sera parlée par plus de 700 millions de personnes au milieu du siècle, dont 85 % en Afrique. Cela peut être encore davantage si vous décidez de vous l’approprier. La Chine doit être une terre de francophonie, parce que le français est cette langue qui s’est toujours construite dans le dialogue avec les autres langues, dans ces passages de culture à l’autre, dans ces échanges permanents.

Le français n’est pas une langue hégémonique, c’est une langue qui ne se construit que par le plurilinguisme, et le fait que tant d’entre vous aient fait ce choix est pour moi une source d’espoir. Je n’ai qu’un souhait: faites du français la première langue au monde dans les 30 à 40 ans qui viennent, en décidant de le parler. Voilà comment nous pourrons contribuer ensemble à l’intelligence du monde, mais l’intelligence, à la fin, c’est la place de l’individu, c’est le sujet libre, l’intelligence, c’est ce pari constamment fait que derrière chaque individu, il y a un sujet qui pense, qui peut librement créer, innover, changer parfois le cours du monde par son intelligence, et je regardais tout à l’heure avec les ministres qui m’accompagnaient, avec vous, Monsieur le Vice-président, cette armée de terre cuite, et j’y voyais la puissance d’une armée de soldats qui en un temps a pu conduire à unifier pour la première fois la Chine, et porte comme une métaphore la puissance d’un peuple uni, cette capacité à rassembler et ce gigantisme chinois.

Mais en regardant chaque terre cuite, on s’apercevait qu’il y avait un visage différent, il y avait un individu. La force de votre pays est aussi derrière le fait qu’il y a quelques milliards d’individus libres de penser, de créer, d’inventer, c’est cela le trésor chinois, peut-être le plus grand trésor, je ne sais dire derrière les femmes et les hommes présents dans cette salle qui pourra changer le cours de l’intelligence artificielle, le cours de l’art qu’il va décider d’embrasser, mais il y a plus qu’une société appartenant à un même pays, il y a ces trésors d’intelligence individuelle qu’il faut aussi savoir révéler, et c’est le pari que nous aurons à conduire ensemble pour le siècle qui s’ouvre.

J’évoquerai demain avec le président Xi Jinping les principaux enjeux internationaux, les aspects de la relation bilatérale sur ce sujet, mais ce trésor profond, c’est notre capacité précisément pour le siècle qui s’ouvre, à porter cette intelligence en commun à travers les quelques partenariats et les quelques défis que je viens d’évoquer.

Le second pilier sur lequel nous pouvons fonder notre entente, c’est celui de la justice, c’est-à-dire l’équilibre, on doit toujours trouver entre des pouvoirs qui s’expriment, entre les forces en présence, la justice. C’est d’abord la justice sociale, celle qui fait qu’une vie d’homme ou de femme n’est pas, dès la naissance, condamnée à renoncer à ses aspirations et à ses rêves, c’est ce qui fait qu’une existence a autant qu’une autre le choix de se déployer et de s’accomplir. Nous avons en commun la volonté de combattre les inégalités. C’est un défi pour chacune de nos sociétés. J’ai lu les déclarations du président Xi Jinping, je sais combien cette lutte contre les inégalités est au cœur du projet politique de la Chine. Elle est aussi au cœur du projet politique de la France, comme de l’Europe, et c’est aujourd’hui l’un des défis du monde.

Ce défi est vrai pour la Chine qui est confrontée jusque dans sa géographie aux écarts entre les plus riches et les plus pauvres, mais qui a réussi, dans ces dernières décennies, à sortir 700 millions de personnes de la pauvreté. C’est vrai pour la France aussi, où nous sommes confrontés au chômage de masse, à la nécessité impérieuse de redonner des perspectives d’avenir à toute une partie de notre population, mais c’est un défi du monde qui vit aujourd’hui une crise du capitalisme mondialisé, qui a, durant les dernières décennies, fait exploser les inégalités sociales et la concentration des richesses.

D’une telle inégalité planétaire, ne peuvent naître que des confrontations destructrices. C’est pourquoi nous devons nous assigner comme objectif commun le développement partagé, et nous pouvons y parvenir ensemble, d’abord dans nos sociétés et pour nos sociétés. Nous pouvons ensemble travailler à porter notamment cette clé de l’avenir qu’est l’éducation, et développer ensemble les stratégies scolaires et éducatives, c’est par l’école que le déterminisme social est enrayé, c’est par l’école que les inégalités de départ son progressivement corrigées.

C’est pourquoi dans les réformes qui sont aujourd’hui conduites par le gouvernement, la réforme de l’école primaire et secondaire de l’université est au cœur de nos priorités et continuera à être développée, et c’est aussi pour cela que je pense que le dialogue de nos systèmes scolaires éducatifs, universitaires est un des enjeux de cette lutte contre l’inégalité. Mais je pense aussi à l’Afrique. La Chine y a beaucoup investi ces dernières années, sur les infrastructures, les matières premières, avec une force de frappe financière que les pays européens n’ont pas. En même temps, la France a une connaissance historique et culturelle de l’Afrique qui lui donne de nombreux atouts pour l’avenir.

Nous devons donc là aussi mener ensemble des projets réellement utiles à la croissance du continent, financièrement soutenables, parce que l’avenir est là, parce que nous ne devons pas reproduire les erreurs du passé consistant à créer de la dépendance politique et financière, sous prétexte de développement. Demain, l’Agence Française de Développement et la China Development Bank signeront un accord qui traduit ce renouvellement des méthodes, vers lequel nous devons aller, et j’appelle de mes vœux cet engagement de la Chine en Afrique. Il va de soi que ce développement ne se fera qu’ensemble, en luttant contre la corruption, et que si nous sommes capables d’aider au développement dans ces pays, en développant les entreprises africaines, en développant les sociétés civiles, et en axant notre travail sur l’éducation, en particulier l’éducation des filles, sur la santé et la lutte contre les inégalités les plus enracinées dans ces pays.

La France a l’expérience d’un impérialisme unilatéral en Afrique qui a parfois conduit au pire, et aujourd’hui, alors que ces nouvelles routes de la soie sont en train de s’ouvrir, je pense que le partenariat entre la France et la Chine peut permettre d’éviter de répéter ces erreurs, mais surtout de trouver la voie de cette justice dont je parle, celle seule qui permet de combler les inégalités qui existent dans les sociétés africaines, où vous vous développez, où nous nous développons, celle seule qui permettra aux sociétés civiles, aux entreprises, aux peuples africains de progresser, d’améliorer le niveau d’éducation, le niveau de vie, ce qui est le souhait profond de ses gouvernants. C’est un défi moral qui nous est posé, et je souhaite profondément que nous puissions le relever ensemble.

Ce développement économique sera fragile, si, en effet, il ne se fonde pas sur l’éducation, c’est pourquoi je souhaite que nous travaillions ensemble au succès de la conférence du partenariat mondial sur l’éducation que nous organiserons avec le Sénégal à Dakar en février prochain, pour offrir des perspectives nouvelles à la jeunesse d’Afrique. Je souhaite que dans le cadre de ce partenariat, la Chine puisse prendre toute sa part, que dans le cadre des initiatives, que nous allons continuer à conduire en matière de santé, la Chine puisse aussi prendre toute sa part, et que l’immense travail qui est fait en matière d’infrastructures, de développement économique, puisse aussi trouver des voies nouvelles qui donneront en quelque sorte un autre visage à ces nouvelles routes de la soie sur le continent africain.

Au-delà de ces inégalités économiques pour lesquelles nous pouvons ensemble changer la face du monde, il est une injustice propre à notre temps, qui doit nous mobiliser entièrement, c’est l’injustice climatique. Nous le savons, les dérèglements touchent en premier les pays les plus pauvres qui n’en sont par ailleurs pas les plus responsables. C’est la double injustice du dérèglement climatique, les pays les plus vulnérables sont ceux qui ne se sont pas encore développés, et aujourd’hui, ont à souffrir des conséquences des décennies parfois des siècles précédents, et nous avons à cet égard une responsabilité toute particulière. Après la décision américaine que je regrette, de sortir de l’accord de Paris, la Chine a joué un rôle décisif pour préserver cet acquis de 2015, pour lequel la France avait pris toutes ses responsabilités, parce que la Chine a fait de la protection de l’environnement une priorité nationale autour du concept de civilisation écologique. En quelques années, votre pays est devenu le premier investisseur et le premier marché mondial des énergies renouvelables.

Il diversifie aussi son bouquet énergétique avec l’énergie nucléaire, sur laquelle nous acterons demain de nouvelles avancées qui permettront aussi à la Chine de tenir ses objectifs. Cette détermination répond à vos intérêts, mais elle est aussi cruciale au plan global, compte tenu de la taille et du chemin de croissance de votre pays, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, ainsi que de son leadership en Asie et dans le monde. Je vous le dis très sincèrement, si la Chine, l’année dernière, en avait décidé différemment, l’accord de Paris n’aurait sans doute pas survécu. Et nous devons beaucoup à la décision de la Chine de rester dans le cadre de celui-ci.

Quelques années auparavant, à Copenhague, la Chine n’avait pas encore pris la décision de faire mouvement, alors rien n’avait été possible, elle s’est maintenant engagée, a tenu parole jusque dans l’adversité. Vous avez ainsi démontré la réalité de votre prise de conscience et, plus important encore, dans ce monde, qui demande des nations conséquentes et responsables, vous avez démontré votre immense sens des responsabilités. Ce que nous avons fait depuis, nous l’avons fait parce que nous faisions, vous et nous, front commun.

Au G20, le président XI m’a confirmé que la décision de la Chine de tenir les engagements pris était ferme et sans appel. Puis, au One Planet Summit, organisé à Paris en décembre dernier, la Chine a répondu présente en annonçant la mise en place d’un marché du carbone national, ce qui représente un pas en avant considérable pour la tarification du carbone dans le monde. Il faut prendre un peu de recul et mesurer le chemin parcouru. Il est considérable.

Qui aurait pu imaginer il y a de cela encore quelques années que la Chine exercerait sur cette question une force d’entraînement mondial? Pourtant, vous l’avez fait et démontré, et c’est ainsi votre capacité de prise de conscience, de transformation, d’entraînement qui s’est pleinement révélée. Je proposerai demain au président XI de franchir une nouvelle étape du partenariat franco-chinois pour relancer la bataille climatique, il n’y a pas d’autre option en effet que la gagner, parce qu’il n’y a pas d’autre option pour notre planète. Ce qui est dès maintenant en péril, c’est la possibilité pour l’espèce humaine de vivre, de se nourrir, de se développer, d’être maîtresse de son destin, tout ce pourquoi le peuple chinois s’est battu avec tant de force et d’acharnement pendant des décennies.

Ce qui est en cause, c’est la justice. Alors comment nous y prendre? Comme dans l’art de la guerre, notre invincibilité dépend de nous. Je fais donc trois propositions : la première, c’est le renforcement de nos moyens de concertation, pour préparer ensemble les échéances du rehaussement de nos engagements lors de la COP24 et de la convention sur la protection de la biodiversité, que la Chine accueillera en 2020. Je souhaite que la France puisse pleinement être à ses côtés et nous aiderons la Chine à organiser cette conférence importante qui contribue a cette responsabilité collective mondiale.

Deuxièmement, une nouvelle énergie en nous appuyant sur la force, le dynamisme et l’inventivité de nos sociétés. Je proposerai au président XI une année franco-chinoise de la transition écologique 2018-2019 pour mobiliser nos entreprises, nos start-up, nos chercheurs, nos étudiants, nos universités, nos villes, des régions, pour démontrer au monde que nous, Français et Chinois, sommes capables de faire que notre planète soit à nouveau grande et belle. De donner corps à cette phrase : [Make our planet great again en mandarin].

Je souhaite donc que nos entreprises, nos acteurs académiques puissent faire davantage en la matière. Nous aurons après-demain une échéance importante puisque nos acteurs du satellite acteront de projets en commun, en particulier pour le climat dès l’année prochaine avec un partenariat croisé avec un satellite qui permettra d’être pleinement dédié au climat.

Cela fait partie des engagements de 2015 et je souhaite qu’en la matière nous puissions, Chine, France et avec la France, je l’espère, toute l’Europe, aller au bout de ce partenariat qui nous permettra d’échanger par nos satellites les informations sur l’état de la planète et de nos pollutions. De les rendre transparentes pour tous et toutes et d’en tirer toutes les conséquences et les éléments de responsabilité.

Cela fait partie des engagements politiques que nous avions pris. Nos entreprises, nos chercheurs peuvent en faire une réalité. Il nous faut maintenant leur permettre d’accélérer ce travail et c’est ce que je proposerai au président XI.

Le troisième axe, c’est l’écriture du droit international de notre temps au travers du pacte mondial pour l’environnement que la France a porté aux Nations unies. Un travail important conduit par des juristes en France, avec une contribution précieuse du Conseil constitutionnel et de nombreux juristes français, associant largement leurs homologues chinois et des femmes et des hommes de plusieurs pays, ont permis de conduire à un premier texte. Nous l’avons présenté en septembre dernier où j’avais pris l’initiative d’une réunion en marge de l’assemblée générale des Nations unies.

La Chine y était représentée au plus haut niveau. Il est aujourd’hui très important que nous puissions avancer ensemble sur ce projet pour le faire aboutir d’ici 2020. C’est une nouvelle étape de notre édifice juridique international, une étape qui permettra non seulement d’accroître les droits mais d’en tirer toutes les conséquences en termes d’effectivité et donc de responsabilité pour chacun.

Pour cela, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, en tant que grand pays ami, notre mission pour l’avenir est de définir ensemble cette nouvelle grammaire du multilatéralisme contemporain pour défendre les biens qui nous sont communs, au premier rang desquels le climat et l’environnement.

Cette bataille contre le réchauffement climatique, nous avons montré ensemble ces derniers mois que nous pouvions en préserver les acquis et lui donner un nouveau dynamisme. Aussi par-delà les engagements pris, ces trois initiatives que je viens d’évoquer devront pour moi jalonner les prochains mois d’actions communes. Mais cette bataille pour les biens communs que nous avons en partage ne s’arrête pas là. C’est aussi celle pour la paix et la stabilité, pour le libre commerce entre les peuples et entres les nations.

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Macron en Chine, merci pour @zhao