Et la question est : devriez-vous faire confiance à un inconnu ? « Mais qui est inconnu, un étranger ? », a-t-il demandé.
Résumé : La Confiance, en tant que nom, est le squelette des sociétés humaines. Mais face à un inconnu, un étranger, comment réagissons-nous ? Devrions-nous faire confiance jusqu’à preuve du contraire ou nous méfier jusqu’à ce qu’il soit prouvé qu’il est digne de confiance ? Les rationalistes comme Descartes prônent la méfiance jusqu’à ce que les preuves suggèrent le contraire, tandis que les existentialistes comme Kierkegaard considèrent la confiance comme une vulnérabilité nécessaire aux relations authentiques. Pour résoudre ce dilemme, nous nous tournons vers la mythologie Nweh, en particulier le concept d’echuo ge (amitié). Dans le concept Nweh de l’echuo ge, le Dilemme du Prisonnier, tel que présenté par Poundstone, se pulvérise étant donné que le marché Faustien perd son caractère salé. En fin de compte, la question de savoir si nous pouvons faire confiance à un inconnu, un étranger, se réduit à savoir si nous pouvons nous faire confiance à nous-mêmes.
« Je vais aller à Muyuka pour les vacances de Noël », lui ai-je dit. « Mon départ pour le Gabon est le 28 décembre, est-ce que je peux rester chez toi pendant ton absence ? » a-t-il demandé. « Bien sûr », ai-je dit. Deux semaines plus tard, en rentrant à Yaoundé, j’ai constaté que plusieurs de mes affaires avaient disparu, dont mon gaz de cuisine et la bouteille. J’étais choqué. Le camarade de classe du lycée à qui j’ai tendu la main s’est moqué de ma générosité. Aurais-je dû lui faire confiance ?
« Confiance », un mot issu du latin confidentia, est composé du préfixe c-o-n, « avec », associé au mot fiance, construit sur « se fier », la fiance désignant jadis la foi. Cette origine souligne les liens étroits qui existent entre la confiance, l’espoir, la foi, la fidélité, la confidence, le crédit et la croyance. Le verbe confier étymologiquement signifie donc qu’on remet quelque chose de précieux à quelqu’un, en se fiant à lui et en s’abandonnant ainsi à sa bienveillance et à sa bonne foi. L’évolution linguistique reflète un thème persistant : la confiance comme lien ou garantie, à la fois affective et pratique, qui comble les incertitudes et facilite la collaboration.
« Andrew, nous fêtons l’anniversaire surpris de ma copine à Lisieux. J’aimerais que tu sois présent. » Ça a l’air génial, mais as-tu un endroit où je peux dormir ? « Oui, j’ai discuté avec mon voisin, ils vont t’accueillir pour le week-end ». Super, c’est affaire conclure alors. Le dimanche matin après l’anniversaire, je suis allé pratiquer mon sport comme d’habitude, puis nous avons assisté à la messe. Mon train de retour à Paris était le lendemain. J’avais une réunion ce dimanche après-midi. J’ai demandé à mon hôte si je pouvais travailler dans leur appartement pendant qu’ils sortaient. J’avais besoin de temps pour préparer la réunion. En tout cas, ils vont me retrouver dans la maison quand ils reviendront. Mon hôte a refusé. Je ne l’ai pas compris explicitement. C’est un ami qui m’a fait comprendre : « ils ne veulent pas que tu restes seul dans leur appartement quand ils ne sont pas là, tu ne comprends pas quoi ? » J’ai été surpris. Est-ce parce que je suis inconnu, un étranger ?
Le mot « étranger » provient du mot latin « extranus », qui signifie – du dehors, extérieur ; celui qui est né ailleurs ; qui n’est pas de la famille, du pays. Cette origine linguistique met en évidence les défis inhérents à « s’abandonner ainsi à la bienveillance et à la bonne foi » de ceux qui sont « extérieurs » à nos cercles sociaux ou culturels établis. Ils sont perçus comme des « inconnus » qui ne partagent peut-être pas nos valeurs, nos croyances ou nos coutumes. Cette « altérité » peut naturellement susciter des sentiments de prudence, voire de suspicion, car nous manquons de familiarité et d’expériences partagées qui sous-tendent généralement la confiance au sein des groupes sociaux.
Ces deux expériences, l’une de trahison par un « ami » proche et l’autre d’exclusion inattendue de la part d’un hôte, mettent en évidence la complexité de la confiance dans les interactions humaines. La question de savoir si l’on doit faire confiance à un inconnu étranger jusqu’à ce qu’il soit prouvé qu’ils ne sont pas dignes de confiance ou se méfier d’eux jusqu’à ce qu’il soit prouvé qu’ils sont dignes de confiance est un dilemme fondamental dans les interactions humaines. Mais peut-être la vraie question est : qui est inconnu, l’étranger ?
Le paradoxe de la confiance : un dilemme de navigation
La confiance est la pierre angulaire des relations humaines, de la cohésion sociale et du fonctionnement de la société. Pourtant, la question de savoir comment aborder la confiance avec un inconnu – faire confiance jusqu’à preuve du contraire ou faire preuve de méfiance jusqu’à preuve du contraire – reste une question profondément contestée.
L’approche qui consiste à faire confiance aux inconnus jusqu’à ce qu’ils se révèlent indignes de confiance est enracinée dans l’optimisme et la croyance en la bonté inhérente des gens. Philosophiquement, cette perspective s’aligne sur des penseurs comme Jean-Jacques Rousseau, qui ont soutenu que les humains sont naturellement bons et que la société corrompt cette bonté innée. Kierkegaard soutient que la confiance implique un acte de foi et une acceptation de la vulnérabilité, préconisant de faire confiance jusqu’à ce qu’on la trahisse. Psychologiquement, cette approche trouve un écho chez les individus qui ont des styles d’attachement sécurisés, tels qu’identifiés dans la théorie de l’attachement. Les personnes solidement attachées, qui ont fait l’expérience de soins fiables au cours de leurs années de formation, sont plus susceptibles d’accorder leur confiance aux autres. Cette ouverture facilite les interactions sociales positives et renforce les liens communautaires.
D’un point de vue sociologique, l’approche de la « confiance jusqu’à preuve du contraire » est soutenue par la théorie du capital social. Robert Putnam, par exemple, souligne que la confiance est un élément clé du capital social, permettant l’action collective et réduisant les coûts de transaction. Dans les sociétés à forte confiance, comme celles de la Scandinavie, il a été démontré que cette approche améliore l’efficacité économique et l’engagement civique. Cependant, cette approche n’est pas exempte de critiques. Les rationalistes pourraient soutenir que la confiance aveugle est irrationnelle, car elle ignore le potentiel d’exploitation ou de préjudice. La théorie des jeux démontre que dans des environnements concurrentiels ou incertains, faire confiance sans preuve peut conduire à des résultats sous-optimaux. De plus, les groupes marginalisés peuvent avoir des raisons légitimes de se méfier des étrangers en raison d’injustices historiques et systémiques.
L’approche alternative – se méfier des inconnus étrangers jusqu’à ce qu’ils se montrent dignes de confiance – est fondée sur la prudence et l’autoprotection. Philosophiquement, cette perspective s’aligne sur des penseurs comme Thomas Hobbes, qui considéraient la nature humaine comme intrinsèquement intéressée et sujette aux conflits. De ce point de vue, la méfiance est une réponse rationnelle à la possibilité de trahison ou de préjudice. Les penseurs rationalistes, tels que Descartes, prônent le scepticisme, suggérant la méfiance jusqu’à ce que des preuves soutiennent la fiabilité. Psychologiquement, cette approche est souvent adoptée par les personnes ayant des styles d’attachement insécurisants, comme celles qui sont anxieuses ou évitantes. Ces personnes, qui ont fait l’expérience de soins peu fiables ou de trahisons dans le passé, peuvent avoir de la difficulté à faire confiance à des inconnus. Bien que cette position prudente puisse protéger contre les dommages, elle peut également entraver la formation de relations significatives.
Sur le plan économique, l’approche de la « méfiance jusqu’à preuve du contraire » est soutenue par l’économie des coûts de transaction. Oliver Williamson soutient que la confiance réduit le besoin de surveillance et d’application de la loi, mais en l’absence de confiance, les individus doivent s’appuyer sur des mécanismes formels, tels que des contrats, pour assurer la coopération. Cette approche est particulièrement pertinente dans les sociétés à faible confiance ou dans les situations à enjeux élevés où le coût de la trahison est important. Les détracteurs de cette approche soutiennent qu’une méfiance excessive peut conduire à la fragmentation sociale et à des occasions manquées de collaboration. Les pragmatiques, comme John Dewey, pourraient soutenir que la méfiance sape le rôle fonctionnel de la confiance dans la facilitation de l’harmonie sociale et de l’action collective. Les existentialistes, comme Søren Kierkegaard, pourraient en outre soutenir que la méfiance isole les individus et les empêche d’accepter la vulnérabilité nécessaire à des relations authentiques.
Les modèles cognitifs de confiance mettent l’accent sur la prise de décision fondée sur des preuves. Les gens évaluent les actions, le langage corporel et le contexte situationnel des inconnus étrangers pour déduire la fiabilité. Par exemple, il aurait pu suffire à mon hôte de déduire de ma fiabilité auprès de notre ami commun, tout comme il aurait pu suffire à moi d’en apprendre davantage sur mon camarade de classe du lycée auprès de quelqu’un de plus proche de lui. La théorie de la confiance interpersonnelle postule que la confiance est dynamique et évolue au gré de l’interaction. En commençant par de petits actes de confiance et en augmentant progressivement la confiance. Dans un contexte de mondialisation, la confiance est de plus en plus façonnée par la technologie, comme on le voit sur Airbnb et Amazon, qui s’appuient fortement sur les notes et les avis pour établir la confiance entre inconnus. Un mécanisme dit « faire confiance mais vérifier ». Chez World like Home, nous avons développé un mécanisme de confiance basé sur la mythologie Nweh de l’amitié.
La mythologie Nweh
Au pays Nweh, les Esians (Eshuo ge) sont deux meilleurs amis dont le lien (echuo) est plus fort que le sang. Cette relation, consensuelle, est basée sur une confiance mutuelle et inébranlable. Un Esian n’utiliserait jamais une potion magique contre son eshuo ge, bien qu’il n’hésiterait pas à le faire contre un membre de sa propre famille. Comme le dit si bien une femme Nweh : « Je pourrais permettre à mon eshuo ge de dormir sur le même lit que mon mari », soulignant le fait qu’une amie ne pourrait jamais trahir une autre personne en séduisant son conjoint. Lorsqu’un homme entreprend un long voyage, il laisse généralement sa femme et ses biens aux soins de son eshuo ge, démontrant ainsi cette confiance sacrée. Un homme jouit d’une liberté totale sur la propriété de son ami et reçoit une hospitalité généreuse lorsqu’il lui rend visite.
L’Esian (amitié) augmente les opportunités en dehors du domaine de la parenté sans dégrader les individus dans une relation entreprise-client. Un Esian offre également des exutoires émotionnels précieux que l’on ne trouve généralement pas dans le cadre familial. Cette amitié, symbiotique, est enrichissant pour les deux parties financièrement, intellectuellement, socialement, culturellement, émotionnellement, spirituellement et politiquement. Au pays Nweh, il ne sert à rien de trahir son echuo ge - la confiance est absolue et sacrée.
Dans son livre de 1993 Dilemme du Prisonnier, William Poundstone décrit le jeu : « Deux membres d’une bande criminelle sont arrêtés et emprisonnés. Chaque prisonnier est en isolement cellulaire sans aucun moyen de parler ou d’échanger des messages avec l’autre. La police admet qu’elle n’a pas assez de preuves pour condamner le couple sur le chef d’accusation principal. Ils prévoient de les condamner tous les deux à un an de prison pour un chef d’accusation moins grave. Dans le même temps, la police propose à chaque prisonnier un marché Faustien (un pacte avec le diable). S’il témoigne contre son partenaire, il sera libéré tandis que le partenaire sera condamné à trois ans de prison pour le chef d’accusation principal. Oh, oui, il y a un hic… Si les deux prisonniers témoignent l’un contre l’autre, les deux seront condamnés à deux ans de prison. Les prisonniers ont un peu de temps pour réfléchir, mais en aucun cas aucun des deux ne peuvent apprendre ce que l’autre a décidé avant d’avoir irrévocablement pris sa décision. Chacun est informé que l’autre prisonnier se voit offrir le même marché. Chaque prisonnier ne se préoccupe que de son propre bien-être, de la minimisation de sa propre peine de prison. »
Le Dilemme du Prisonnier, tel que présenté par Poundstone, repose sur un manque fondamental de confiance – une mise en accusation des sociétés où les alliances sont fragiles et la loyauté négociable. Deux criminels, isolés et confrontés à un choix difficile, sont motivés par l’auto-préservation. Mais que se passerait-il s’il ne s’agissait pas de n’importe quels criminels ? Et s’ils étaient des Esians, liés par le sacré echuo du peuple Nweh ? Soudain, le dilemme soigneusement construit s’effondre. Le marché Faustien perd de son attraction. La trahison, même pour la liberté, devient impensable. Le lien echuo, plus fort que le sang, l’emporte sur la logique du gain individuel. La véritable intrigue ne réside pas dans le choix, mais dans son absence.
Pour un Esian, la décision est déjà prise, gravée dans le tissu même de leur relation. Cela soulève une question plus profonde : comment une entreprise criminelle, fondée sur une confiance inhérente, peut-elle fonctionner avec des membres qui sont essentiellement inconnu à l’uns et autres, des étrangers ? Peut-être que l’existence même d’un tel gang, composé d’individus sans ce lien profond, est un paradoxe.
Ce paradoxe reflète un paradoxe plus grand et troublant du monde. Nous vivons à une époque d’interconnexion sans précédent, mais la véritable connexion semble de plus en plus insaisissable. Nous construisons des systèmes vastes et complexes de gouvernance, d’économie et d’interaction sociale, en nous appuyant souvent sur la coopération d’individus qui ne partagent aucun lien profond, aucun echuo. Comme les criminels dans le dilemme, nous sommes souvent confrontés à des choix qui privilégient le gain individuel plutôt que le bien-être collectif. L’alliance fragile du gang, fondée sur l’absence d’echuo, devient un microcosme d’une société mondiale.
Finalement le Dilemme du Prisonnier met en évidence un dilemme sur le soi. La bande criminelle se déconnecte de sa propre identité (code de conduite), étrangère à elle-même. De la même manière, nous aussi, nous devenons des étrangers, des inconnus à nous-mêmes. La vraie question n’est donc pas de savoir si nous pouvons faire confiance à des inconnus, mais si nous pouvons nous faire confiance à nous-mêmes. In fine, le frère Michael Jackson avait raison de dire, pour faire confiance à « l’autre », il faut commencer par l’homme dans le miroir (man in the mirror). La question devient alors : comment cultiver l*'echuo* à plus grande échelle ? Chez World like Home, notre réponse à cette question est incarnée dans le Nweh Framework.
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Efuet Atem
Ingénieur, Fondateur de World like Home
Auteur, Souriant dans les épreuves.
Remarque : L*'IA a été utilisée pour la recherche et la relecture.*