La Décision
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES
N° 2002568 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Mme X
___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. Desimon
Rapporteur
___________ Le tribunal administratif de Nantes
M. Labouysse (10ème chambre)
Rapporteur public
Audience du 22 mars 2021
Décision du 12 avril 2021
335-005-01
01-01-08
01-03-01-06
54-01-02-01 C+
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 4 mars 2020, Mme X, représentée par Me Le Floch, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision implicite intervenue le 4 janvier 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 3 septembre 2019 de l’autorité consulaire française à Oulan-Bator (Mongolie) lui refusant un visa d’entrée et de long séjour en qualité d’étudiante ;
2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur, à titre principal, de lui faire délivrer le visa sollicité dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de faire procéder au réexamen de la situation dans les mêmes conditions de délai et d’astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme X ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-
le code des relations entre le public et l’administration ;
-
le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
-
le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique du 22 mars 2021 :
le rapport de M. Desimon, rapporteur,
et les observations de Me Le Floch, représentant Mme X.
Considérant ce qui suit :
Mme X est une ressortissante mongole née le 21 mars 1996. La délivrance d’un visa d’entrée et de long séjour en qualité d’étudiante a été sollicitée en sa faveur auprès des autorités consulaires françaises d’Oulan-Bator. Un refus lui a été opposé. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France, saisie du recours administratif préalable obligatoire prévu à l’article D. 211-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, a rejeté ce recours par décision implicite intervenue à la suite de son enregistrement le 4 novembre 2019. Mme X demande au tribunal d’annuler cette décision.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
Aux termes de l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Le silence gardé pendant deux mois par l’administration sur une demande vaut décision d’acceptation. ». Et aux termes de l’article L. 231-4 du même code : « Par dérogation à l’article L. 231 le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (…)2° Lorsque la demande (…) présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif ».
En vertu de ces dispositions, le silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France pendant deux mois vaut décision de rejet du recours dont elle est saisie. La naissance de cette décision implicite de rejet par écoulement du temps, qui a pour seul objet de permettre à tout administré, confronté à l’inertie de l’administration, de saisir le juge de sa situation, n’exclut pas que l’administration fasse valoir auprès de l’administré, ou devant le juge, qu’elle avait pris une décision dans le délai à l’expiration duquel une décision implicite était réputée naître, et qu’elle n’avait pas été portée à la connaissance de l’intéressé, faute d’avoir été communiquée ou même d’avoir été matériellement formalisée. Par ailleurs, l’administration a toujours la possibilité d’édicter une décision expresse de rejet postérieurement à la naissance d’une décision implicite de rejet. Dans les deux cas, il appartient au juge de rediriger les conclusions du requérant contre la décision explicite de l’administration.
Aux termes de l’article D. 211-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’immigration est chargée d’examiner les recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux, à peine d’irrecevabilité de ce dernier. ». Aux termes de l’article D. 211-9 du même code : « La commission peut soit rejeter le recours, soit recommander au ministre des affaires étrangères et au ministre chargé de l’immigration d’accorder le visa demandé. / Le président de la commission peut rejeter, sans réunir la commission, les recours manifestement irrecevables ou mal fondés. ».
Il résulte de ces dispositions, qui instituent un recours administratif obligatoire devant la commission de recours, à l’issue duquel la décision prise demeure soumise au principe de légalité, que, sauf dans le cas prévu par les dispositions précitées du second alinéa de l’article D. 211-9, la commission est seule compétente pour statuer sur les recours qui lui sont soumis. Par conséquent, même dans les cas où elle ne se prononce pas par une décision expresse, il lui appartient d’examiner ces recours collégialement.
Aux termes de l’article D. 211-7 du même code : « Le président de la commission est choisi parmi les personnes ayant exercé des fonctions de chef de poste diplomatique ou consulaire. / La commission comprend, en outre : / 1° Un membre, en activité ou honoraire, de la juridiction administrative ;/ 2° Un représentant du ministre des affaires étrangères ; / 3° Un représentant du ministre chargé de l’immigration ; / 4° Un représentant du ministre de l’intérieur. / Le président et les membres de la commission sont nommés par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans. Pour chacun d’eux, un premier et un second suppléants sont nommés dans les mêmes conditions. ». Aux termes du second alinéa l’article 1er de l’arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France : « Elle délibère valablement lorsque le président ou son suppléant et deux de ses membres au moins, ou leurs suppléants respectifs, sont réunis. ». Il appartient à l’administration de justifier du respect de ces dispositions à la date à laquelle les membres de la commission se réunissent pour examiner les recours qui leur sont soumis, que cet examen donne lieu à une décision expresse ou implicite.
En l’espèce, la requérante soutient qu’aucun élément ne permet de démontrer que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France s’est effectivement réunie pour examiner son recours en étant composée conformément aux dispositions citées au point 6. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu’il appartient au ministre de l’intérieur de l’intérieur en défense de justifier que le recours de la requérante, qui a été implicitement rejeté par la commission, a néanmoins été examiné par elle au cours d’une de ses réunions en étant régulièrement composée. Or le ministre de l’intérieur se borne en défense à soutenir que la décision contestée étant implicite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France ne s’est nécessairement pas réunie et que le moyen soulevé est donc inopérant. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de réunion de la commission dans une composition régulière doit être accueilli.
Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de faire état de l’examen réalisé de l’autre moyen de la requête, que la requérante est fondée à demander l’annulation de la décision attaquée.
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
Eu égard à ses motifs, le présent jugement implique seulement qu’il soit enjoint au ministre de l’intérieur de faire procéder au réexamen par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France de la demande de Mme X. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’enjoindre au ministre de l’intérieur de faire procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sans qu’il soit besoin d’assortir cette injonction d’une astreinte.
Sur les frais de l’instance :
Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à la requérante de la somme de 1 000 euros, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France intervenue à la suite de son enregistrement le 4 novembre 2019 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l’intérieur de faire procéder au réexamen de la demande de visa de Mme X par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : L’Etat versera la somme de 1 000 euros à Mme X en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme X et au ministre de l’intérieur.
Délibéré après l’audience du 22 mars 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Rimeu, présidente,
M. Bouchardon, premier conseiller,
M. Desimon, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2021.
Le rapporteur, La présidente,
F. DESIMON S. RIMEU
La greffière,
K. TOUTAIN
La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme, La greffière,